Mallarmé
Quelques poésies de Stéphane en art dèche.
BILLET
Pas les rafales à propos
De rien comme occuper la rue
Sujette au noir vol de chapeaux;
Mais une danseuse apparue
Tourbillon de mousseline ou
Fureur éparses en écumes
Que soulève par son genou
Celle même dont nous vécûmes
Pour tout, hormis lui, rebattu
Spirituelle, ivre, immobile
Foudroyer avec le tutu,
Sans se faire autrement de bile
Sinon rieur que puisse l'air
De sa jupe éventer Whistler.
La danseuse par excellence, célébrée par Mallarmé dans ses Ballets et maintes fois dessinée et peinte par Whistler.
RENOUVEAU
Le printemps maladif a chassé tristement
L'hiver, saison de l'art serein, l'hiver lucide,
Et, dans mon être à qui le sang morne préside
L'impuissance s'étire en un long bâillement
Des crépuscules blancs tiédissent sous mon crâne
Qu'un cercle de fer serre ainsi qu'un vieux tombeau,
Et, triste, j'erre après un rêve vague et beau,
Par les champs où la sève immense se pavane
Puis je tombe énervé de parfums d'arbres, las,
Et creusant de ma face une fosse à mon rêve,
Mordant la terre chaude où poussent les lilas,
J'attends, en m'abîmant que mon ennui s'élève...
- Cependant l'Azur rit sur la haie et l'éveil
De tant d'oiseaux en fleur gazouillant au soleil.
ÂME DU LAC OC
Stéphane Mallarmé ( 1842 - 1898 )
utilise toujours au XIXe siècle la forme du sonnet, il n'hésite pas à bousculer et à jouer sur les analogies de sens ou de sonorités pour faire passer sa poésie ....
Indices :
- Unités syntaxiques : les quatrains et les tercets ensemble ;
- Rimes féminines et masculines sont utilisées en alternance ;
- Les tercets comportent des rimes embrassées ;
- Deux rimes plates concluent le poème.
ANGOISSE
Je ne viens pas ce soir vaincre ton corps, ô bête
En qui vont les péchés d'un peuple, ni creuser
Dans les cheveux impurs une triste tempête
Sous l'incurable ennui que verse mon baiser :
Je demande à ton lit le lourd sommeil sans songes
Planant sous les rideaux inconnus du remords,
Et que tu peux goûter après tes noirs mensonges,
Toi qui sur le néant en sais plus que les morts.
Car le Vice, rongeant ma native noblesse,
M'a comme toi marqué de sa stérilité,
Mais tandis que ton sein de pierre est habité
Par un coeur que la dent d'aucun crime ne blesse,
Je fuis, pâle, défait, hanté par mon linceul,
Ayant peur de mourir lorsque je couche seul.
ÂME DU LAC OC