sur les traces de René DEPESTRE
René DEPESTRE est né en Haïti.
Deux livres à prendre à bras-le-corps :
" Non-assistance à poètes en danger"
et " Rage de vivre".
" Rien ne se crée à partir de rien; les nouvelles histoires naissent des anciennes.
Ce sont les nouvelles combinaisons qui les rendent nouvelles."
Salman Rushdie [Haroun et la mer des histoires]
Tout d'abord, l'original:
Retour à un jardin de l'enfance
En ce temps-là mon foyer était un jardin
je suivais le seul feu de mes voisins arbres
le goyavier imitait pour moi l'éléphant
je voyageais sur son dos aussi loin
que le permettait le manguier
qui se méfiait des animaux trop amicaux
l'oranger partageait avec moi des pastèques
le tamarinier était un oncle
qui racontait des histoires de cyclones fabuleux
le quenêpier pour me plaire
mettait un singe à chacune de ses branches
tandis que le bananier changeait son régime
[ en volée de perroquets
l'acajou-enfant me révéla un matin :
- lorsque je serai grand je confierai mon bois
aux mains d'une fée qui fabrique des pianos
René DEPESTRE
Ensuite, une nouvelle histoire :
Retour à l'espace imaginaire d'un artiste
En ce temps-là ma classe était un espace imaginaire
je suivais la seule inclination des récitations et dictées
la poésie m'inspirait pour m'accrocher à un rêve
je m'allongeais sur son aura aussi longtemps
que le permettait les songes
qui se méfiaient du soleil trop éblouissant
la lune traçait avec moi l'irréel
les étoiles étaient un décor
qui brillait dans le ciel des Mille et une nuits
la dictée pour me plaire
mettait l'orthographe à chaque phrase
tandis que la ponctuation changeait de ton
[ au rythme des paragraphes
le "ti-braille"- écolier m'apprit un soir :
- lorsque je serai professeur je confierai mes crayons
à l'imaginaire d'un cancre qui aime les beaux-arts
ÂME DU LAC OC
Encore une nouvelle histoire :
Retour à l'imaginaire de l'écolier
En ce temps-là ma cour était l'imaginaire
je suivais le seul penchant de mes lubies
les lianes du petit bois récitaient en écho les vers digérés illico
- un vol de gerfauts
- au bout du petit matin
- non au professeur
la douairière taquinait pour moi la maîtresse
je m'endormais sur son ronron aussi loin des dictées
que le souhaitait la page
qui brûlait des doigts turbulents
la plume trempait avec moi les lignes
le cahier incarnait un mage
qui comprenait des écritures d'ardeurs platoniques
le courbaril pour me confondre
exhalait un vertige à chacune de mes notes
tandis que la mandarine semait ses pépins
[ en bordure du chemin
le galérien- chérubin me confia un tantôt :
- lorsque je serai capitaine je miroiterai mes marottes
à l'âme d'un albatros qui touche des horizons
ÂME DU LAC OC
AU FIL DES MOTS :
INCLINATION : Force intérieure et naturelle qui oriente spontanément ou volontairement la personne vers un objet, un goût, un but.
TRACES : Quantités infimes
ÂME DU LAC OC